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De l’œil à la main, il n’y a qu’un pas
Un pas après l’autre au fil des chemins. Ils me conduisent de l’invisible et savoureuse magie de la terre à la peinture.
J’ai toujours aimé sentir la roche, la toucher, observer son histoire de chair modelée par le vent, l’eau, la glace ou le feu. Lorsque je peins je revis les rythmes, la douceur et les fractures qui me touchent sitôt que je prends le temps de la présence à la nature et aux vivants.
En Islande, lors d’une itinérance sous le signe du deuil, j’ai gouté à la naissance du monde.
Nous étions quelques marcheurs dans d’immenses paysages lunaires traversés de torrents glaciaires et de sources chaudes. Au creux des sols noirs ou cendrés, des dédales de laves refroidies, l’eau – la vie – faisait sourdre de grandes coulées de fer et d’improbables mousses d’un vert presque cruel. Dans le ciel gris, balayé de tempêtes et d’éclaircies soudaines, les oies sauvages criaient et tournoyaient pour se rassembler avant la grande migration d’automne.
J’ai ramené dans mes poches quelques cailloux, éclats d’obsidienne ou pierres ponces, et des images plein le cœur.
De l’outil à la main, le jeu est le chemin.
J’aime explorer différentes techniques et il m’a souvent été fait le reproche d’une trop grande diversité. Or toutes ces approches sont complémentaires. Elles sont le moyen de revenir par courbes successives toujours au même sujet pour tenter d’atteindre l’unité.
Les encres obligent à l’essentiel. L’acrylique me donne la densité, les traces d’histoires de la terre ou le plaisir de jouer à superposer, à coller des papiers déchirés ou des fragments de palette. Quant aux suspensions elles me permettent de sortir du cadre ; je transpose et recompose les images déjà passées par le filtre de mon regard et mes pinceaux.
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J’ignore où je vais mais il existe un équilibre à trouver pour qu’un monde entier s’invite comme dans une enluminure ou une scène des « riches heures du Duc de Berrry ».
Une histoire est toujours présente.
Parfois elle préexiste à la peinture lorsque je pars de quelques strophes d’un long poème, d’un haïku ou d’un RIPnd – ritournelle d’itération peinte.
D’autres fois c’est d’abord une image, des lignes ou des contrastes qui m’attirent - peu importe la source – et l’histoire nait au fur et à mesure des jeux de glacis, de collages ou de superpositions. Ainsi dans le livre peint « la cavale de l‘astronome » ou dans les « trois petites topographies du désir » le texte est entré en résonnance au fur et à mesure que les peintures émergeaient.
Du rêve à la main, la poésie s’emmêle.
C’est dans l’entre deux du matin que mûrissent mes peintures.
Chacune est une aventure qui nécessite ce léger flottement de la rêverie du matin, une douce errance de l’esprit.
J’ai désormais résolument pris le parti d'adopter cette pluralité de techniques.
Elles me permettent d’être à l’aise à la fois dans le réel et l’imaginaire, de prendre des chemins détournés pour peindre les rochers surgis de nos rêves.
Fouèse - octobre 2015 - texte écrit pour l'exposition "Rochers surgis de nos rèves" à la Grange du Boissieu